PEINTRE ET FEMME, AVEC PASSION

Suzanne Obrecht a l'apparence fragile, mais l'énergie farouche de celle qui cherche sans cesse à échapper aux limites. De ruptures en blessures secrètes, de cassures assumées en tendresses avouées, elle peint par nécessité vitale. Et met la femme au coeur de toutes ses oeuvres.

"Nos pères furent de prestigieux créateurs., Leurs noms continuent de briller comme des phares : Michel-Ange, Velasquez, Delacroix, Picasso... Nos mères, elles, oeuvraient dans l'anonymat des arts mineurs. Les femmes ont un être au monde millénaire et sans nom. Pour résoudre cette crise d'identité, les femmes créatrices se nomment dans leurs oeuvres. Chacune de mes toiles affirme : Je suis peintre, je suis femme, je suis." Suzanne Obrecht clame sa légitimité d'artiste femme, de femme et d'artiste. Une légitimité que, devant l'étendue de son talent, personne en Alsace ne lui conteste plus. Suzanne Obrecht s'est donnée toute entière à la peinture à trente ans. Depuis, elle resculpte sans cesse au milieu de taches de couleurs une silhouette de femme qui affirme sa présence d'autant plus fort que la toile reste souvent vierge à l'endroit de son corps. Tout autour, les couleurs se déchaînent, bouleversent et s'harmonisent. Dans un mouvement ample, le peintre affirme la femme et l'efface, prend et reprend, la fond dans une montagne, dessine un contour et rejette les limites, basculant sans cesse, dans une même oeuvre, de l'abstrait à la figuration, de la figuration à l'abstrait. Après avoir exposé dans des lieux aussi prestigieux que la French Library ou le City Hall de Boston, c'est à New-York que Suzanne Obrecht accroche ses toiles ce mois-ci. Mais l'exposition se fera sans la présence de l'artiste qui travaille à une série de portraits dans son grand atelier de Schiltigheim. Les toiles vierges sont déjà épinglées au mur, pinceaux et brosses sont prêts, et Suzanne Obrecht a le trac. Comme toujours avant d'attaquer une oeuvre.

Francine Gorisse


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