La femme sujet

Six mois de silence, pinceaux posés, en attente. Quand Suzanne Obrecht reprend ses brosses et ses couleurs, elle veut exprimer la profondeur. Sa matière s'épaissit. Elle fait une toile rectangulaire, grande, du rouge, du noir, du blanc, abstrait. "Quand je l'ai terminé, je me suis aperçue que j'avais fait une femme." Réémergence de la figure, du corps. Inlassablement, Suzanne Obrecht va inscrire ce corps de femme dans ses toiles, le faisant occuper tout l'espace, comme si elle s'inscrivait elle-même dans sa peinture.

C'est sur la femme qu'elle fixe son travail "parce que je suis femme, je peux avoir à la fois un regard intérieur et extérieur sur la femme." Encore cette recherche (obsession ?) de la profondeur. Elle parle de "femmes cavernes", mais elle parle aussi de "vide". Image identique qu'elle applique à rendre en superposant des couches de peinture, et paradoxalement en laissant la toile crue, "vide", non préparée par endroits. Ne remplir que ce qui doit l'être. Dans cette création rigoureuse, où les oeuvres se répondent comme les épisodes d'un feuilleton, Suzanne Obrecht laisse peu à peu exploser des couleurs plus violentes. Son geste est de plus en plus énergique, la touche de plus en plus brute. L'été dernier, elle a remarqué dans une agence de tourisme une tête de lapone avec son bébé. Depuis, en petits et grands formats, elle accumule les têtes de lapone, avec ou sans bébé, à l'encre ou à la peinture. Une façon de poursuivre sa quête de la femme, d'elle-même, et de la peinture.

Corinne Ibram - DNA février 1986

 


Photo F. Zvardon

 

 


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